Soldats allemands et britanniques dans une fosse commune près de Vimy 1916, Herman Rex via Wiki Commons, Domaine public
Le carnage de la Grande Guerre a engendré une profonde onde de choc dans la société et parmi les artistes. L'art figuratif s'est soudainement trouvé obsolète, incapable de rivaliser avec les photographies poignantes et atroces de la guerre.
Cette période a été marquée par la domination de la peinture abstraite, une réaction à l'incapacité perçue de l'art figuratif à rendre compte adéquatement des horreurs de la guerre. Les artistes ont cherché des moyens nouveaux et non figuratifs pour exprimer les émotions et les réalités déchirantes de cette époque.
Seul le mouvement surréaliste a réussi à maintenir une dimension figurative, bien que de manière distincte. Les surréalistes ne cherchaient pas à représenter la réalité telle qu'elle était, mais plutôt à explorer le monde des rêves et de l'inconscient. Ainsi, leur approche figurative était ancrée dans l'expression des pensées et des émotions intérieures, offrant une échappatoire imaginative aux traumatismes de la réalité brutale de la guerre.
Vassily Kandinsky, Aquarelle abstraite,1910, Pompidou, photo Wiki commons, Domaine public
Gauguin, suivi des fauvistes et des expressionnistes, ont libéré la couleur de sa représentation fidèle du réel. Cependant, c'est Vassily Kandinsky, en 1910, qui a peint la première œuvre abstraite où les couleurs et les formes ne représentent rien de concret.
Kazimir Malevich, Exposition de 1915 Petrograd, photo Wiki commons, Domaine public
Kazimir Malevich, Carré blanc sur fond blanc, 1918, MoMA, Lluís Ribes Mateu, CC BY-NC
Alexandre Rodtchenko, 1921, Collection privée, Jean-Pierre Dalbéra via flickr, CC BY 2.0
Fritz Brandtner, Sans titre ‘’Composition’’, 1938, photoGuy L'Heureux, Collection privée
Kasimir Malevitch, influencé par le cubisme, explore des formes géométriques élémentaires avec des couleurs pures. Son œuvre emblématique, "Carré noir sur fond blanc" de 1915, est souvent considérée comme le point de départ de l'art abstrait. Malevitch cherche à rompre avec les théories artistiques traditionnelles, aspirant au degré zéro de la peinture.
En 1918, il pousse les limites de l'abstraction avec "Carré blanc sur fond blanc", une œuvre considérée comme le premier monochrome de l'histoire, bien que deux blancs soient distinguables. Cette création marque un moment crucial dans l'évolution de l'art abstrait.
Alexandre Rodtchenko, en 1921, expose un triptyque de monochromes intitulé "Pur Rouge, Pur Bleu, Pur Jaune". Avec ces toiles, Rodtchenko déclare avoir réduit la peinture à sa conclusion logique, proclamant ainsi la "mort de la peinture".
Fritz Brandtner, arrivé à Montréal en 1934, devient le pionnier du style constructiviste au Québec. En 1936, il expose ses œuvres, marquant ainsi le début de l'influence du constructivisme dans la scène artistique québécoise.
Duchamp, Fontain, 1917, sfmoma, photo de FHKE via Wiki Commons, CC BY-SA 2.0
Hannah Höch, Cut with the Kitchen Knife Dada Through the Last Weimar Beer-Belly Cultural Epoch of Germany, 1919-20, Staatliche Museen, Juliana flickr, CC BY-NC-SA
Le mouvement Dada, le premier mouvement anti-art, émerge comme une réaction directe au constat que l'establishment artistique n'a rien fait pour prévenir le carnage de la Première Guerre mondiale.
Afin de secouer le monde de l'art officiel, les dadaïstes conçoivent des œuvres absurdes visant à perturber les conventions artistiques établies et à élargir la notion même de ce qu'est l'art.
Les ready-mades de Marcel Duchamp incarnent cette idée, suggérant que l'art peut être créé à partir d'objets du quotidien. En 1914, Duchamp fut le premier à exposer un objet qu'il n'avait pas fait en tant qu'œuvre d'art : un porte-bouteilles. Cependant, son ready-made le plus célèbre reste "Fountain", un urinoir signé R. Mutt (un pseudonyme utilisé par Duchamp). Présentée en 1917 à la Société des artistes indépendants de New York, "Fountain" est rejetée, jugée trop radicale. André Breton le qualifiait d'« homme le plus intelligent du siècle ».
Le photomontage, une technique dadaïste, utilise des illustrations et des publicités issues de magazines populaires pour dénoncer les décisions politiques et sociales de l'époque, renforçant ainsi le caractère subversif et contestataire du mouvement Dada.
Piet Mondrian, Composition with Red, Yellow, and Blue,1927, Cleveland Art Museum, CC0
Theo van doesburg, Controcomposizione XVI, 1925, Kunst-zeiten, Sailko via Wiki, CC BY
Le groupe De Stijl a initialement adhéré au néo-plasticisme de Piet Mondrian, qui cherchait à exprimer les vérités universelles de la théosophie à travers une abstraction pure et structurée. Les règles strictes comprenaient l'utilisation exclusive de lignes droites et de rectangles, le recours uniquement aux couleurs primaires (rouge, bleu, jaune) avec le noir, le gris et le blanc, et l'évitement de la symétrie. Le vert était exclu car il évoquait trop la nature.
Cependant, des tensions sont apparues entre Mondrian et Theo Van Doesburg, qui ont créé l'élémentarisme en 1924. Ce mouvement a introduit des diagonales et une palette de couleurs élargie, rompant ainsi avec les règles strictes du néo-plasticisme.
Marcel Breuer, chaise Wassily,1925, photo de Sailko via Wiki Commons, CC-BY-SA-3.0
Mies Van der Rohe, Westmount Square, 1967, Payton Chung via Wiki, CC-BY-2.0
Josef Albers, Gray Instrumentation II a, 1975, Albers, Guy L'Heureux, Collection privée
Walter Gropius, fondateur de l'école Bauhaus, prônait la fusion de la peinture, de la sculpture, de l'architecture, du design industriel, de la science et de l'artisanat. Cette vision holistique visait à intégrer les différentes disciplines artistiques et techniques.
Parmi les professeurs emblématiques du Bauhaus figurent des maîtres de l'abstraction géométrique tels que Paul Klee, Wassily Kandinsky, Piet Mondrian et Josef Albers. Lors de la fermeture du Bauhaus par les nazis, plusieurs de ces artistes, dont Josef Albers, se sont réfugiés aux États-Unis, contribuant ainsi à diffuser l'influence du Bauhaus dans le monde.
En 1930, l'architecte Mies van der Rohe prend la direction du Bauhaus. Avec sa célèbre maxime "less is more", il développe le style international d'architecture, mettant l'accent sur la simplicité et la fonctionnalité.
Le Bauhaus a également révolutionné le design en créant des meubles novateurs, comme la chaise en porte-à-faux de et la chaise Wassily de Marcel Breuer. Ces créations ont marqué l'histoire du design industriel en mettant l'accent sur la forme et la fonctionnalité, reflétant les principes fondamentaux du Bauhaus.
Salvador Dali Dormeuse, cheval, lions invisibles, 1930, Grégory Lejeune via flickr, CC0 1.0
Alfred Pellan, Citrons ultraviolets,1947, MNBA, Christian Aubry via flickr, CC BY-NC-SA
Le surréalisme, fondé par l'écrivain André Breton et inspiré par les écrits de Sigmund Freud, visait à libérer le pouvoir créatif de l'inconscient. Réagissant contre la domination de l'art abstrait géométrique qui prévalait depuis le début de la Première Guerre mondiale, les surréalistes considéraient cet art comme froid et stérile.
Il existait deux tendances majeures au sein du surréalisme. La première était figurative, s'inspirant des rêves ou de situations irréelles. La seconde était abstraite, basée sur l'expression de l'inconscient à travers le hasard.
Le style figuratif du surréalisme est bien représenté par la rêverie de Salvador Dalí et les peintures d'objets ordinaires mis hors-contexte de René Magritte. D'autres artistes notables qui ont adopté ce style incluent Pablo Picasso, Alberto Giacometti, Henry Moore et Francis Bacon. Le surréalisme est remarquable en tant que seul mouvement d'art moderne de l'après-guerre à demeurer figuratif.
Alfred Pellan, après 14 ans passés à Paris où il côtoyait des artistes tels que Picasso et Dalí, retourne au Québec. En 1942, il publie le manifeste "Prisme d'yeux", apportant ainsi des idées surréalistes au contexte artistique québécois.